Le bilan de la mobilisation pour la gratuité du transport en commun à Québec en 2017 aura été qualitativement plutôt faste à défaut de l’être quantitativement, mais c’est tout de même avec plaisir que nous pouvons le partager avec ceux et celles nous ont soutenu depuis le printemps 2014, entre une campagne de sociofinancement, deux manifestations, la production et la diffusion d’un vaste matériel de propagande en faveur de la gratuité et plusieurs autres activités.
Commencer par les perspectives (par la fin)
Il n’était pas dans les intentions du collectif Subvercité de mener tambour battant une mobilisation sur la gratuité au long de l’année 2017. L’énergie de nos membres s’est pour beaucoup dissipée ailleurs, entre les aléas de la vie personnelle, professionnelle et familiale et la lutte antifasciste entre autres. Pour reprendre les propos (méprisant) d’une feuille de choux de Québec, Subvercité « regroupe maintenant les vieux nostalgiques qui tentent de faire quelques trucs, du bout des bras ». Néanmoins, le calendrier électoral et différentes opportunités nous ont permis de relancer, après une longue pause, la campagne RTCG. Ce qui nous permet d’affirmer au moins que nous proposons encore et toujours des propositions libertaires, même si nous nous organisons maintenant surtout dans un cadre affinitaire sans rien attendre des autres militants et militantes.
Le bilan complet de la lutte pour la gratuité du transport en commun à Québec est encore à faire, mais nous pouvons déjà nous avancer sur certaines conclusions quant à notre collectif.
Nous n’avons jamais cru qu’il s’agissait d’un enjeu révolutionnaire dans un cadre non-révolutionnaire, mais tout de même d’un enjeu potentiellement mobilisateur autour d’une des principales préoccupations des membres du collectif, soit les luttes urbaines, de même qu’une façon de pouvoir travailler sur l’engagement et la conscientisation avec des perspectives et des pratiques libertaires, même si c’était d’en un approche gradualiste.
Force est de constater que la mobilisation 2017 est un échec ou un succès relatif. D’une part, nous avons pu porter dans l’espace public le thème de la gratuité et rejoindre de nouveaux acteurs en luttes, mais nous n’avons pas pour autant rassemblé une communauté autour de notre mobilisation, tandis que le nombre ne fut jamais au rendez-vous. Nos pratiques auront été à la fois conventionnelles et originales sans pour autant être subversives. Malgré cela, le travail a été fait.
- Sans clore pour autant la question du RTCG, le collectif Subvercité n’en fera plus un thème de mobilisation central.
- Il appartient à d’autres acteurs de s’approprier cette question. La manifestation d’octobre 2017 a permis d’identifier un certain nombre d’entre-deux. Le collectif Subvercité a continué de revendiquer une politique universelle de gratuité, mais d’autres acteurs préfèrent s’orienter autour de tarification visant des catégories spécifiques de la population, mais aussi autour de la notion d’accessibilité en général, y compris à l’encontre des limites dites de capacités physiques ou géographiques, ce qui implique l’accès en périphérie pour ceux et celles qui n’ont pas accès à la voiture et ceux et celles qui ont des contraintes et handicaps physiques.
- L’enjeu du transport en commun est devenu un enjeu à Québec sans pour autant que l’enjeu de la tarification ni même des besoins actuels de ses usagers soient pris en comptes.
- Outre la question de la mobilité en général (dont le fumeux troisième lien), le principal thème discuté sur la place public est celui des qualités propos à un projet d’infrastructure léger ou lourd, d’un SRB, d’un tramway ou autre. Nous n’avons pas de position particulière en faveur ou en défaveur d’une infrastructure ou d’une autre. Par contre, nous sommes à l’écoute de nos alliés ponctuels, nous avons organisé dans le passé des ateliers avec des groupes pour les transitions, des écosiocialistes, Craque-Bitume ou Accès Transport Viable, nous écoutons. Au-delà de l’accès au centre-ville, là où l’ensemble des membres de notre collectif résidons, à une infrastructure lourdes, que ce soit un tobogan ou un tramway, il est certain qu’il ne faut pas négliger des moyens de transports utile et nécessaire dans une société proche de la crise économique, transport actif, flexible et convivial compris.
- L’histoire et les exemples internationaux de luttes pour la gratuité du transport en commun tel que décrit au sein de notre argumentaire long indiquent spécifiquement que la gratuité est souvent une revendication qui ne devient paradoxalement porteuse que lorsque que les entreprises de transport en commun en viennent à limiter encore plus l’accès à celui-ci, souvent par une hausses des tarifications et lorsque les usagers et usagères prennent collectivement conscience de leur impact sur la production et la consommation.
Le bilan, pour vrai
- Après de nombreux mois de labeurs que de torpeurs, nous avons décidé de compléter et publier la mise en page de l’argumentaire long intitulé La gratuité c’est la liberté : Plaidoyer pour un transport en commun gratuit au printemps 2017. Nous avons décidé de seulement en faire une version pdf et non de l’imprimer papier, une décision sur laquelle nous ne sommes toujours pas revenus.
- Nous avons aussi décidé de le publier lors d’un appel de mémoire sur le transport en commun ouvert par la Ville de Québec. Pour un collectif libertaire, une telle décision, que d’aucun pourrait désigner sans se tromper de réformiste est… particulière. Néanmoins, il s’agit d’un minimum de visibilité sans aucun engagement. En bilan des consultations, l’option de la gratuité était nommément évoquée par le directeur du RTC (ce que l’ancien DG avait fait en 2014), tandis que l’un des responsables de la consultation nous a remercié (à l’instar des 140 autres participant.es) : « Vous faites partie des personnes, regroupements ou organisations qui ont pris le temps de préparer un mémoire. Vous y avez entre autres formulé la proposition du transport en commun gratuit pour tous comme mesure d’équité et de justice sociale répondant de surcroît à la vision de développement durable. Vous avez accompagné votre proposition d’arguments, d’exemples ainsi que de suggestions sur les sources de financement potentielles. » Il est à noter que l’ampleur de la participation des individus (et non seulement des groupes) à la consultations annonçait bien que des résidents et résidentes de la ville de Québec commençaient à lever la tête contre l’hégémonie du discours pro automobile. De fait, l’amélioration du transport en commun fut un thème de campagne, autant que l’amélioration de la mobilité automobiliste.
- Manifestation le 22 0ctobre 2017
Le collectif a planifié l’organisation d’une manifestation sur le transport en commun en juin 2017 et nous avons fait un appel en ce sens en été puis tapé du pied à la rentrée sans que nous puissions en élargir l’organisation pour autant au-delà d’un petit noyau organisateur.
Finalement, et en restant dans un cadre non-partisan, ce sont quatre organisations plutôt différentes qui se sont regroupées pour organiser la mobilisation, tandis que la fanfare Tintanar et un peu plus de 150 personnes se sont joints le jour même de la manifestation le 22 octobre. Nous pourrions nous plaindre du faible nombre, mais il ne faut pas oublier que le transport en commun est d’abord un enjeu de consommation et déplace les foules sans que celles-ci n’est à se déplacer, tandis qu’il s’agissait du principal thème d’une campagne électorale qui favorise la participation… électorale (et non manifestante). Cependant, la couverture médiatique est plutôt bonne et la revue de presse plutôt diversifiée, les objectifs de bases sont donc atteints.
Outre Subvercité, Accès transport viable (le principal lobby sur le sujet), le Regroupement d’éducation populaire autonome en action communautaire (RÉPAC), qui rassemble un grand nombre de groupes communautaires progressistes de la région et enfin le Collectif pour un transport abordable et accessible à Québec (TRAAQ), sont les quatre collectifs organisateurs, avec des ressources et une participation de différents niveaux. Aucun n’autres groupes (exception faite de deux partis politiques) ne se sont manifestés.
Notre collaboration avec le TRAAQ était une première qui passait par-dessus le fait qu’il s’agit d’une initiative du CAPMO, un groupe de conscientisation catholique. N’eut été le fait qu’il fait d’un groupe chrétien (et que nous sommes un groupe anarchiste), il faut avouer que leur travail pour la mobilisation aura été inestimable (dont celui de celle qui sera notre porte-parole, Émilie Frémont), tandis que leur travail antérieur pour leur propre campagne est un travail de terrain sérieux qui rejoint un grand nombre de personnes contraintes par leur situation de classe, de capacité et de localisation dans leur mobilité. Parmi les groupes qui n’ont pas participé à la mobilisation, notons les associations étudiantes, les syndicats (la CSN défend par exemple les employés du RTC, plutôt conservateur et la FTQ est logé dans Lebourneuf) et un grand nombre de groupes écologistes (précédemment, ces derniers avaient déposés un mémoire, le Conseil régional de l’environnement de la Capitale nationale, Équiterre, la Fondation David-Suzuki, les Jeunes de Québec pour la mobilité durable, Transport 2000 et Vivre en Ville).
Pour être rassembleur, la manifestation ne porte pas sur la gratuité (contrairement à notre première manifestation en septembre 2014), mais sur un cadre revendicatif plus large; « pour un transport en commun rapide, efficace, accessible et maintenant » et un titre de manifestation tout en jeu de mots : Le transport en commun, c’est capital: manif familiale.
Comme collectif anarchiste, cela nous a permis d’établir des liens avec d’autres organisations, mais aussi d’animer une manifestation colorée différentes de l’habituel défilé anticapitaliste, avec plusieurs agréments similaires aux manifestations du secteur communautaire. Comme quoi, les anarchistes ne font pas que bouffé du curé dans des cortèges blacks bloqués.
- Lancement de livre Free Public Transport And Why We Don’t Pay To Ride Elevators de Jason Prince (édition Black Rose Books) le 26 octobre à la librairie la Page noire. L’ouvrage donne l’exemple de 9 villes où se sont déroulé des mobilisations en faveur de la gratuité, mais la conférence s’est concentrée sur la mobilisation à Montréal dans les années ‘70.
- Présentation sur la gratuité du transport en commun lors du camp de formation du REPAC en novembre 2017.
Conclusion
Après notre mobilisation (et les promesses de plusieurs candidatures municipales à travers le Québec), nous pouvons estimer que l’enjeu de la gratuité du transport en commun est dans l’espace public de façon résiduel et diffuse. Ne reste plus qu’à convaincre la population qu’elle y a des intérêts de classe, de proximité et de capacité. Cependant, il faut avouer que le thème de la tarification réduite ou même des frais de transport pourraient être encore plus chaudement discuter, pendant que les étudiants et étudiantes font avancer leur Laisser-passer institutionnel (anciennement LPU).